Alors que les Cambodgiens commémorent la chute du régime génocidaire des Khmers rouges le 7 janvier, il est important que nous réfléchissions à certaines des questions qui continuent de se poser dans le débat sur cette histoire aujourd’hui.
Il ne fait aucun doute que même un demi-siècle après la chute du régime, les effets de cette période continuent d’être visibles dans tout le Cambodge. Il n’existe aucune famille, communauté ou institution cambodgienne qui n’ait été affectée par ce régime, et il ne serait pas difficile d’observer les effets subtils de cette période dans la culture et les institutions d’aujourd’hui.
S’il y a une leçon universelle à tirer, c’est que les effets des crimes atroces ne disparaissent pas et ne s’estompent pas dans un délai prévisible.
D’autres enseignements du 7 janvier méritent réflexion : pourquoi la chute du régime des Khmers rouges a-t-elle eu lieu le 7 janvier 1979 et non le 7 janvier 1978, 1977 ou 1976 ? Pourquoi les Khmers rouges ont-ils pu prendre le contrôle du Cambodge et pourquoi ont-ils persisté en tant que force défiant le gouvernement et le peuple plus de dix ans après leur effondrement ? Ces questions sont fréquemment posées, sinon à haute voix, du moins en silence, dans presque tous les forums éducatifs publics organisés par le personnel du Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam). Malheureusement, les réponses ne sont pas rassurantes.
L’humanité a été et reste divisée sur la question de savoir quand la violence, les crimes d’atrocité et le génocide justifient une réponse engagée.
En fait, des crimes d’atrocité continuent d’être perpétrés aujourd’hui encore dans de nombreux pays et conflits à travers le monde. La question la plus importante que nous devons nous poser n’est pas de savoir s’il faut agir et quand, mais pourquoi ne pas le faire et comment ?
De nombreuses raisons ont été avancées pour justifier cette absence d’action, qui vont des coûts et considérations économiques aux implications politiques, juridiques et militaires d’engagements qui mettent en danger des personnes honnêtes et remettent en question les concepts internationaux de souveraineté et d’ordre. Ces raisons ne sont pas déplacées, mais elles sont inadéquates. Elles sont insuffisantes pour une femme dont le mari a été arrêté et torturé. Elles sont insuffisantes pour un père qui a vu son enfant mourir de faim. Ils sont inadéquats pour une mère dont l’enfant a été assassiné. Et ils sont inadéquats pour les enfants d’aujourd’hui qui demandent pourquoi leurs parents et leurs grands-parents sont morts sans raison.
En ce 7 janvier, nous devrions réfléchir non seulement à ce qui s’est passé, pourquoi et ce qui aurait pu se passer, mais aussi à ce qui s’est passé et comment. Le Cambodge peut mener le monde dans ce débat, non seulement en tant que victimes et survivants de crimes d’atrocité, mais aussi en tant que vainqueurs.
Nota : L’auteur Youk Chhang est directeur du Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam) et un survivant du génocide des Khmers rouges.
Source: https://www.cambodgemag.com/post/cambodge-histoire-une-certaine-vision-du-7-janvier-1979